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3 stars
Une très bonne édition avec des notes de fin d'ouvrage de qualité.
Sur ce classique de Max Weber en lui-même, je reste à la fois impressionné par la thèse (à rebours des théories antisémites sur l'origine de l'accumulation du capital par des Juifs usuriers ou par celles simplistes sur la centralité des banques italiennes comme moteur capitalisme) et la construction de l'ouvrage, à la fois un peu dubitatif sur la réussite même de son essai. Car le coeur de la thèse elle-même sur la méthode ascétique des puritains qui ouvre le champ à l'organisation rationnel d'une culture capitaliste des affaires où l'on ne travaille plus pour vivre mais plutôt sommes sommés de vivre pour travailler afin de découvrir sa sélection en tant qu' "élu" de Dieu, n'est finalement que peu esquissé, dans une partie II plutôt difficile d'accès, puisque les multiples sources religieuses sur lequel il s'appuie dépasse souvent l'enrichissement …
Une très bonne édition avec des notes de fin d'ouvrage de qualité.
Sur ce classique de Max Weber en lui-même, je reste à la fois impressionné par la thèse (à rebours des théories antisémites sur l'origine de l'accumulation du capital par des Juifs usuriers ou par celles simplistes sur la centralité des banques italiennes comme moteur capitalisme) et la construction de l'ouvrage, à la fois un peu dubitatif sur la réussite même de son essai. Car le coeur de la thèse elle-même sur la méthode ascétique des puritains qui ouvre le champ à l'organisation rationnel d'une culture capitaliste des affaires où l'on ne travaille plus pour vivre mais plutôt sommes sommés de vivre pour travailler afin de découvrir sa sélection en tant qu' "élu" de Dieu, n'est finalement que peu esquissé, dans une partie II plutôt difficile d'accès, puisque les multiples sources religieuses sur lequel il s'appuie dépasse souvent l'enrichissement de son analyse.
Le style de Weber est relativement facile à lire pour toutes et tous, aidé par cette traduction sans aucun doute, mais la longueur des petites notes qui concurrencent à chaque page le texte lui-même en fait un ouvrage difficile à suivre. La dernière partie sur les sectes protestantes reste la plus fluide et intéressante d'un point de vue documentaire, encore que, digressant par rapport encore une fois à la thèse de base.
Une des limites de Weber, qui est loin d'être le seul à son époque cela dit à ce point de vue, est de parler dès les premières pages de "capitalisme" au-deçà du Moyen-Âge pour n'évoquer que la seule cupidité humaine et le dynamisme de transactions commerciales antiques et médiévales alors même qu'il entend parler du trait distinctif de l'économie moderne (à des lieux des principes moraux et de l'organisation antique et médiévale, que l'on va nommer bientôt capitaliste) mais aussi comme il le défend dans d'autres ouvrages dans la spécificité du capitalisme moins dans la notion d'accumulation primitive du capital comme beaucoup encore le défendent (notamment chez les marxistes orthodoxes) que dans l'adoption du calcul rationaliste qui va changer la manière de faire des profits.
L'autre limite tient à l'annonce du contenu qui ne concerne pas vraiment les protestants en général (même s'il a raison de faire l'histoire du schisme protestant pour comprendre l'évolution de son ethos vers l'esprit du capitalisme) mais surtout les calvinistes et les méthodistes aussi tout particulièrement, qui vont jouer un rôle majeur dans la fondation des Etats-Unis, focalisation à mon sens un peu problématique quand on sait le rôle majeur de l'Angleterre dans l'élaboration de la modernisation industrielle capitaliste. L'ethos "méthodiste" s'apparente bien plus au final, en tant que rationalisation religieuse de sa dédication au travail comme reconnaissance terrestre de son élection céleste, à la naissance de l'idéologie bourgeoise, celle du Travail comme sens de la vie, celle de la docilité et de l'obéissance aux patriarches et patrons (dans la continuité de la logique d'acceptation de la doctrine piétiste du Destin et du fatalisme de la Grâce), ponctualité et comptabilité dans la quantification grandissante de toute "part" de nos vies, idéologie bourgeoise qui par son succès deviendra l'idéologie tout court que combattent les courants marxistes, marxiens ou même traditionalistes.
Weber ne semble même pas remarquer non plus qu'en évoquant l'ethos du méthodiste et l'origine des sectes protestantes sur le développement des bien-nommés "boy's clubs" aux Etats-Unis, dont l'élitisme WASP va être l'alternative bourgeoise à l'élitisme aristocratique du Vieux Monde, il ne parle en fait que des hommes protestants amener à faire vivre dans le grand monde tant leurs opinions religieuses que leur éthique commerciale, si imbriquées, et non les femmes protestantes, non-bénéficiaires de charges religieuses, ni sujettes politiques, ni propriétaires ou entrepreneuses...
Les données qu'il professe aussi sur le Destin en Islam sont relativement mineures et empruntées mais datées. Mais l'aspect sectaire et autoritaire des méthodistes m'ont beaucoup fait penser aux "méthodes" wahhabistes (restriction des élus hors des 72 sectes, interdiction de fréquenter les kuffar et "mauvais musulmans", imitation quotidienne des premiers, littéralisme et fondamentalisme etc.), qui sont également une pure réaction/création de la modernité dans l'Arabie confrontée au délitement de la tradition féodale ottomane, au profit du pouvoir colonial britannique capitaliste naissant. Les remarques préliminaires de Weber sur la volonté de l'élaboration d'une systématisation de la sociologie de la religion ont je pense trouvé leur aboutissement académique après la seconde guerre mondiale, mais pas forcément dans le bon sens à mon avis, si l'on réduit la diversité des formes religieuses extra-occidentales à un comparatisme naïf entre "religions" car non le din n'est pas par exemple la "religion" et si le bouddhisme n'est pas une "philosophie sans dogme" comme l'ont compris malheureusement les adaptes du new-age, comparer sempiternellement chrétienté/bouddhisme/islam/hindouisme/voodoo/judaïsme ne permet pas de penser les cadres de pensée propre à chacune de ces réalités, qui ne pensent pas le temps, la sécularité et l'au-delà dans les mêmes termes alors que l'usage même de la notion religion est un témoignage historique de sa relégation à la sphère privée, dissociée de la "vie réelle".
Quelques points rapidement abordés, sur lesquels Weber avoue lui-même souvent ne pas vouloir étoffer ici, restent en suspens quant à leur lien avec la naissance de l'idéologie bourgeoise (plutôt qu'esprit capitaliste pour moi, car il ne s'agit pas d'un moteur individualiste) et m'ont semblé tout à fait pertinents : la discipline monastique, le concept de soumission volontaire (très utile pour les travailleurs libres exploités dans le capitalisme), le rôle du catholicisme dans l'élaboration de la modernité capitaliste, le rôle des guildes ou corporations de métiers dans le stade intermédiaire entre féodalisme et capitalisme, la densification urbaine optée par les Pilgrims Fathers en Nouvelle-Angleterre, les passerelles libérales avec l'Aufklärung, l' "ethos économique juif" médiéval, la standardisation de la production, l'opposition contemplation/productivité, les liens entre méthodisme et hygiénisme dans le développement d'une idéologie bourgeoise de l'espace public et privé (contre les vagabonds, les relations sexuelles non-procréatives), les crises "hystériques" propres à la religiosité piétiste (quand on connaît la multiplicité des accusations de possession et de sorcellerie après la Réforme).