Le Sang de la Cité

J'ai un peu tardé à écrire ce commentaire, car j'hésitais sur la note à mettre, et j'ai finalement décidé de ne pas noter le roman... même s'il reste une lecture agréable, que je recommande. Alors, pourquoi cette perplexité ?
Il a beaucoup de qualités, mais aussi des défauts qui sont rédhibitoires à mes yeux. Je commence par les qualités. L'ambiance recherchée est très bien retranscrite. Les descriptions de la ville sont vivantes et agréables, et cela fonctionne très bien de la découvrir par un personnage commis d'épicerie - c'est un regard assez rare en fantasy. En parallèle, ce personnage principal occupe aussi le rôle parfait pour nous faire découvrir les intrigues politiques de la ville d'un point de vue intéressant. Les informations que le lecteur reçoit sont amenées avec naturel, logiquement intégrées au récit ; c'est-à-dire que je ne me souviens pas d'avoir croisé d'infodumps, procédé lourd qui me sort toujours de l'histoire.
L'univers est solide, les intrigues politiques mènent à quelques surprises, les autres intrigues aussi. Les personnages sont sympathiques. Alors, où est-ce que le bât blesse ?
Peut-être au niveau de l'écriture. Pourtant, elle se lit bien. Le style est sobre mais fluide. Plusieurs fois, néanmoins, un mot va jurer avec le reste de façon étonnante, ou une phrase sera mal tournée. J'ai aussi noté quelques moments artificiels dans la narration ou les dialogues. Mais rien qui soit impardonnable.
Contrairement à au moins une grosse incohérence dans l'histoire...
Ce n'est pas un spoiler, car c'est un élément amené dès l'ouverture du livre, quasiment, mais au cas où : Deux enfants qui n'ont apparemment reçu aucune éducation, ont grandi isolés, sans contact humain, dans des circonstances franchement glauques... sont ensuite capables de rejoindre la vie sociale. Ils arrivent à apprendre à marcher, à parler, et à tout le tralala. Leur fonctionnement cognitif et psychique semble tout à fait normal (enfin, pour un seul d'entre eux, mais même chez la deuxième, le problème me semble très léger par rapport à la situation de base qui ne devrait même pas permettre que l'enfant apprenne à PARLER). Cela me semble quand même une immense inattention, comme si l'auteur n'avait fait aucune recherche sur le fonctionnement humain. Il faut voir le cas des enfants sauvages... Peut-être qu'une explication plus satisfaisante sera proposée ensuite, mais je n'y crois pas, car le roman ne donne pas l'impression d'avoir conscience du problème.
Et, malheureusement, à cause de ce problème, j'ai manqué de clémence vis-à-vis de tous les points de l'histoire qui m'ont paru un peu bizarres, puisque j'avais l'impression que l'auteur était capable de grosses négligences... C'est dommage, parce que le défaut dont j'ai parlé m'a beaucoup dérangé dans ma lecture, alors que tout le reste me séduisait.
Pour ce qui est des possibles autres incohérences, je pense qu'on peut aussi les imputer au rythme du texte : tout va très vite ! Quasiment pas d'introspection, un personnage principal pas vraiment tourmenté par les événements choquants auxquels il assiste ( peut-être que c'est justement lié à son enfance douteuse, mais on ne dirait pas... ), et des scènes parfois survolées. Si l'on s'attardait davantage sur les événements, certains éléments seraient moins flous. Un lieu important manque vraiment de description. Le texte reste en surface, ce qui est dommage, car l'ambiance de la cité est si riche... mais au moins, on n'a pas d'infodumps. Un mal pour un bien ? Parce que oui, en parallèle, certaines choses sont dévoilées assez subtilement.
Ainsi, c'est un roman que j'ai apprécié, mais qui n'a pas pu entièrement me convaincre.