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Je me remets à écrire, à fabriquer un livre. Je m'immerge dans le corps-à-corps du travail. Seule et solide, debout. J'oublie presque le manque du toucher dans la joie du labeur et de l'autonomie. J'oblitère presque la question du contact. La plupart du temps je n'y pense plus. Je sublime. Je me sens forte, et pour la première fois, complète sans amour, sans autre. Le sexe et l'amour ont longtemps été un but en soi chez moi, ils deviennent un à-côté. J'espère que ça ré-arrivera un jour, mais je peux tenir debout sans. À partir de cet instant, enfin reconstruite, en pleine possession de tous mes moyens, avec ce choix plein et entier d'être seule, j'arrête d'attendre. Le manque disparaît. C'est le vide qui le remplace. Or le vide, c'est l’attente apaisée sans attendre, la porte ouverte aux possibles et la multiplicité des futurs. Le vide c'est rien, c'est grand et c'est beau.

— Les corps abstinents by Emmanuelle Richard (Page 204)

Les relations hommes-femmes telles qu'elles se jouent encore dans la plupart des cas m'épuisent. Tout cela a usé mon désir. Il était pourtant grand. Heureusement, ça bouge. C'est en train de se fissurer, en particulier du côté des jeunes et des très jeunes femmes. On est plus d'accord. Je crois que quand Despentes, dans le podcast Les Couilles sur la table, évoque la possibilité d'un détournement généralisé des hommes de la part des femmes dans les vingts années à venir en l'absence d'opprobre, il n'est pas impossible quelle ait raison s'ils ne changent pas. « Je ne pourrais plus revenir en arrière et nier mes besoins juste pour être avec quuelqu'un aujourd'hui », écrit une jeune femme sur Instagram.

Je me mets dès lors à habiter un monde de femmes. Des praticiens à mes contacts et connaissances, je ne fréquente plus que des femmes. Seuls quelques-uns de mes amis proches, de longue date, sont des hommes.

— Les corps abstinents by Emmanuelle Richard (Page 158 - 159)