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Paul Auster: Trilogie new-yorkaise : romans (French language) 4 stars

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4 stars

Cité de verre
Quinn, un auteur de série policière connu sous le pseudo évocateur de William Wilson, est un homme solitaire et peu ambitieux depuis la mort de sa femme et de son petit garçon. Isolé, il reçoit un soir un coup de téléphone destiné à un certain Paul Auster, détective privé. Signalant l’erreur sur la personne il reçoit à nouveau le même coup de fil, et décide de se faire passer pour Paul Auster. Dès lors il endosse le personnage du détective, s’enfonce dans une “affaire” assez troublante, et l’ambiance surréaliste frise assez vite l’univers de David Lynch. Au moins ! Il entame donc une filature, puis sombre peu à peu dans l’obsession. Déjà marqué par la vie et ses souffrances, Quinn devenu Auster ne deviendra plus personne, étranger à lui-même et au monde. Inconsciemment il s’exclue de sa propre vie. La fin reste en suspens, le lecteur est libre d’interpréter le destin de Quinn, ou pas.

William Wilson, nouvelle d’Edgar Poe datant de 1839 et publiée dans Nouvelles Histoires extraordinaires, sur le thème du double.

Revenants
Les personnages n’ont pas de nom, ou plutôt des noms de couleurs. Blanc engage Bleu pour prendre en filature Noir et l’observer dans sa vie de tous les jours. Or, Noir ne fait rien de ses journées à part écrire. Bleu tombe rapidement dans une routine hypnotisante, il apprend à tout connaitre de la vie insipide de Noir, de ses occupations, peu variées, de sa vie sociale, inexistante. Bleu adopte par conséquent un style de vie identique, ponctuée par la rédaction de rapports hebdomadaires. Il en oublie sa propre vie, calquée sur celle de Noir. Après quelques tentatives d’approche directe avec Noir, Bleu bascule dans un étrange duel dénué de sens. Qui observe qui ? Qui est Noir ? Quelle est la motivation de Blanc ? Autant de question en suspens, auxquelles l’auteur ne donne pas vraiment de réponse. On peut y voir une relation ambiguë entre l’auteur et son personnage, une identification (ou une perte d’identification) à l’auteur ou au personnage. Cette nouvelle est la plus froide, la plus neutre, on observe, comme observe Bleu, une suite de faits décrits objectivement.

La chambre dérobée
La narrateur apprend par la femme de son meilleur ami d’enfance que celui-ci a disparu sans laisser de trace. Respectant le vœu du disparu, Sophie contacte le narrateur et lui confie tous les écrits de Fanshawe, lui laissant la liberté de les exploiter ou de les détruire. Progressivement le narrateur va redécouvrir son vieil ami avec lequel il avait perdu contact des années auparavant. À l’instar des héros des deux nouvelles précédentes, il va finir par voir dans le disparu un double et un rival. J’ai trouvé cette histoire encore plus prenante que les autres. Écrit la première personne, le récit prend une nouvelle dimension, on suit le cheminement intérieur du personnage d’une manière plus intime, moins froide et chirurgicale. On approche de la folie en même temps que le narrateur, pris au piège de son “enquête” pour écrire la biographie du disparu auquel il s’identifie.

Troublante et mystérieuse, cette trilogie prend des allures de films de Lynch, à plusieurs moments je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement. Je suis donc ravie de l’avoir relue.