Nicolas Fressengeas reviewed Résister by Salomé Saqué
Le manuel du résistant moderne
5 stars
Pour y résister, il faut prendre conscience du danger qui nous menace collectivement, et en comprendre les ressorts. C'est l'objet de la première partie de ce court essai. L'autrice s'y emploie à lever le voile de la respectabilité dans lequel tentent de se draper le --- ou les --- partis d'extrême droite en France, à travers des exemples concrets ; et comment leurs idées diffusent en deçà de cette extrême frontière de l'échiquier politique. Le plus troublant, dans cette première partie, est la comparaison des violences d'extrême droite, en regard des violences d'origine islamiste, quant à leur intensité, leur nombre, et les traitements médiatiques et politiques qui leur sont réservés. C'est tout un pan d'une menace terroriste qui est largement sous-évalué.
La deuxième partie analyse la stratégie employée par l'extrême droite pour continuer sa progression dans l'opinion publique. Elle se déploie en trois volets, trois batailles, complémentaires : médiatique, …
Pour y résister, il faut prendre conscience du danger qui nous menace collectivement, et en comprendre les ressorts. C'est l'objet de la première partie de ce court essai. L'autrice s'y emploie à lever le voile de la respectabilité dans lequel tentent de se draper le --- ou les --- partis d'extrême droite en France, à travers des exemples concrets ; et comment leurs idées diffusent en deçà de cette extrême frontière de l'échiquier politique. Le plus troublant, dans cette première partie, est la comparaison des violences d'extrême droite, en regard des violences d'origine islamiste, quant à leur intensité, leur nombre, et les traitements médiatiques et politiques qui leur sont réservés. C'est tout un pan d'une menace terroriste qui est largement sous-évalué.
La deuxième partie analyse la stratégie employée par l'extrême droite pour continuer sa progression dans l'opinion publique. Elle se déploie en trois volets, trois batailles, complémentaires : médiatique, sémantique et numérique. Quel est l'intérêt pour des milliardaires, en France comme ailleurs, d'investir de grosses sommes dans des journaux, radio et télévisions dont la rentabilité est parfois flageolante ? Leur contrôle. Le contrôle de l'espace médiatique assure une influence certaine à son propriétaire. La deuxième bataille, sémantique, est un concept qui est également abordé par Naomi Klein dans Le double : c'est une bataille pour vider les mots de leur sens, pour rendre inopérantes les armes du langage nécessaires pour expliciter la duperie à l'œuvre, tout en s'efforçant de diffuser les marqueurs extrémistes, éventuellement vide de sens, vers des franges initialement moins extrêmes de la droite de l'échiquier politique. Deux mots apparus récemment sont exemplaires en la matière : woke et islamo-gauchisme. Le sens du premier est tout à fait imprécis. C'est ce flou qui fait sa force. Il en devient inattaquable : personne ne peut transpercer un fantôme. Le deuxième, composé, associe deux concepts entre lesquels aucun lien n'a été démontré, transportant ainsi de lourds sous-entendus sans néanmoins prêter le flanc à une possible critique constructive. La troisième bataille, numérique, comprend la bataille des réseaux sociaux, comme le détaille David Chavalarias dans Toxic Data. C'est aussi la bataille de la désinformation, cruciale et difficile, car la désinformation est extrêmement lucrative, monétairement et politiquement, qu'elle passe par les réseaux sociaux ou par d'autres médias numériques à l'apparence soignée.
La troisième et dernière partie redonne de l'espoir en détaillant les possibilités et le mode d'emploi de la Résistance. Elle commence par reprendre Stéphane Hessel en insistant sur la nécessité de conserver notre capacité d'indignation malgré les nombreux et récurrent appels à la responsabilité, sans laquelle l'ordre établi, favorable à l'extrême droite, ne saurait perdurer. Indignons-nous, donc, face au péril ! Et cessons de considérer l'extrême droite comme un interlocuteur comme les autres, à l'exemple de la Wallonie, qui a su la maintenir à distance des grands médias, et ainsi de la sphère politique influente. Non, ce n'est pas une opinion, un parti, comme les autres : son histoire est bien trop chargée. Résister, c'est ainsi informer, combattre la désinformation par l'information : informer ses proches, convaincre, partager… et soutenir la diversité des médias, notamment indépendants, tellement mise à mal aujourd'hui. Dernier volet : le lien, la société. Les personnes qui sont passées de l'autre côté du miroir, pour reprendre l'expression de Naomi Klein ont parfois eu de bonnes raisons pour le faire, comme elle l'explique bien. Elles ne méritent pas toutes notre mépris : ne pas les exclure a priori est essentiel. Recréons du lien, faisons société, expliquons, débattons, explicitons.
Résister est une lecture courte, efficace, percutante, qui permet de prendre conscience des transformations en cours, en France et ailleurs, de comprendre leurs ressorts, et d'envisager d'y résister, pour retrouver espoir.