nicknicknicknick reviewed La petite patrie by Jasmin, Claude
Review of 'La petite patrie' on Goodreads
3 stars
1) "Retournant à notre jeu du jour, il nous trottait des images dans la tête: le vieux radin, le soir venu, cachait son attirail dans un luxueux garage, gagnait les appartements de sa fabuleuse demeure, se lavait comme on se démaquille, revêtait ses beaux habits de millionnaire camouflé et fumait un gros cigare, sur sa vaste terrasse devant un grand manoir du riche quartier de Westmount."
2) "Le frère Foisy nous enseigne les répons des offices: l'entroït du début, le kyrie, le confiteor, le gloria, le sanctus, le credo, le terrible et compliqué suscipiat; où et quand aller chercher les burettes, déplacer le livre du prêtre, le poser au centre ou à gauche du célébrant, se relever, se remettre à genoux. Et nous recevons nos horaires. Oh! affreux petits matins de froidure autumnale où il faut se rendre à l'église. Le vicaire s'amène dans la sacristie, mal réveillé, se …
1) "Retournant à notre jeu du jour, il nous trottait des images dans la tête: le vieux radin, le soir venu, cachait son attirail dans un luxueux garage, gagnait les appartements de sa fabuleuse demeure, se lavait comme on se démaquille, revêtait ses beaux habits de millionnaire camouflé et fumait un gros cigare, sur sa vaste terrasse devant un grand manoir du riche quartier de Westmount."
2) "Le frère Foisy nous enseigne les répons des offices: l'entroït du début, le kyrie, le confiteor, le gloria, le sanctus, le credo, le terrible et compliqué suscipiat; où et quand aller chercher les burettes, déplacer le livre du prêtre, le poser au centre ou à gauche du célébrant, se relever, se remettre à genoux. Et nous recevons nos horaires. Oh! affreux petits matins de froidure autumnale où il faut se rendre à l'église. Le vicaire s'amène dans la sacristie, mal réveillé, se raclant la gorge bruyamment. Il ne nous regarde jamais, on est là, c'est ce qui compte. Il marmonne des prières, on l'aide à s'habiller, aube, chasuble, brassard. Il sort ses instruments, ciboire, calice, patène. Il vérifie le nombre des hosties, en rajoute, s'il le faut. Et on y va pour une autre messe basse."
3) "Madame Légaré, madame Forget, madame Lafaontaine, qu'êtes-vous donc devenues maintenant que le temps à passé, maintenant que vous êtes sans doute de douces et bonnes vieilles femmes comme ma mère? On ne vous voit plus sur les balcons de la rue Saint-Denis, sombres, discrètes le soir venu, silhouettes rassurantes à la lueur de réverbères. Vous nous sembliez autant de bienveillantes sentinelles, vous toutes qui veilliez sur vos enfants, et sur nous aussi. Vous vous penchiez vers le trottoir, madame Denis, pour vous informer: «Comment vont les jambes de ta mère, mieux?» Vous descendiez huit marches, madame Richer, pour dire: «Tu ne devrais pas mâcher de la sorte, tu vas te défaire la mâchoire si tu continues.» On grimaçait, on ricanait, on insultait parfois, mais, au fond, on avait le cur chaud de vous savoir nichées un peu partout sur les galeries. Vous faisiez partie intégrante et nécessaire de ce monde clos, tiède, paisible, d'une enfance pas riche, rue Saint-Denis."
4) "Silence! Là, accrochée au mur, se trouve une petite échelle bien clouée. Il y a cinq barreaux. Au quatrième, déjà, vous allongez le bras au-dessus de votre tête. Palpez, vous sentirez une sorte de petite trappe, dix-huit pouces par vingt, pas plus. Une pression de la paume, soulevez, et ça y est.
Ce soir-là, le ciel nous faisait signe de ses milliers d'étoiles. La cime des arbres de la rue Saint-Denis se balance dans le vent de ce beau soir du début d'avril. Tout autour de nous, des toits, à perte de vue. Le bruit du trafic, en bas, nous parvient comme plus feutreé. C'est le refuge parfait. On y est bien tout de suite. Au-dessus du monde. Introuvables pour les autres, ce soir-là, Yves Dubé et moi sautons lestement de maison en maison. On peut se rendre jusqu'à la rue Jean-Talon."
5) "Dans un grand cri on se quitte, chacun grimpe vers son hangar. Ils vont me revenir dans une minute, armés jusqu'au dents. Mme Denis me dit: «Eh oui! mon p'tit Claude, c'est la guerre, il y a longtemps qu'on voyait ça venir.»
Je ne réponds rien. Je pense qu'il faut s'entraîner, on ne sait jamais. Je n'ose lui dire ce que je pense, que j'aurai dix ans en novembre, qu'on n'est plus des bébés et que si les nazis, les boches décident de venir jusqu'ici, ils vont nous avoir dans les jambes.
Les gars sont revenus armés de poignards, de dagues de bois, de revolvers de fer, de carabines de tôle, de boucliers-couvercles de poubelles.
«En avant, les gars, en avant, on va la défendre notre patrie!»"