FX reviewed Innocent by Gérard Depardieu
Innocent
3 stars
Dans mon cycle des autobios de l'été, en poche, disponible dans les étals de gare, j'ai sélectionné Innocent, de Gérard Depardieu. Un acteur français devenu international, maltraité par la presse, fidèle de Castro et accueilli par Poutine, il fallait bien un livre pour entendre sa version, et se sortir de la tête sous ces clichés véhiculés par les journaux télévisés.
Malheureusement, je n'avais pas lu le livre précédent dans lequel il parlait de ses débuts. L'ouvrage s'épanche donc logiquement sur la partie de sa vie la plus proche de nous et signe une sorte de testament pour son public, en rétablissant des vérités sur qui il est pendant que d'autres parlent à sa place. Et à l'heure où on évoque librement les écrivains fantôme et où toutes les célébrités veulent un bouquin à leur histoire et à leur image, je pense avoir saisi une des motivations qui pousse les stars …
Dans mon cycle des autobios de l'été, en poche, disponible dans les étals de gare, j'ai sélectionné Innocent, de Gérard Depardieu. Un acteur français devenu international, maltraité par la presse, fidèle de Castro et accueilli par Poutine, il fallait bien un livre pour entendre sa version, et se sortir de la tête sous ces clichés véhiculés par les journaux télévisés.
Malheureusement, je n'avais pas lu le livre précédent dans lequel il parlait de ses débuts. L'ouvrage s'épanche donc logiquement sur la partie de sa vie la plus proche de nous et signe une sorte de testament pour son public, en rétablissant des vérités sur qui il est pendant que d'autres parlent à sa place. Et à l'heure où on évoque librement les écrivains fantôme et où toutes les célébrités veulent un bouquin à leur histoire et à leur image, je pense avoir saisi une des motivations qui pousse les stars à prendre la plume : rétablir la vérité à leur sujet. Est-ce nécessaire ? Non, beaucoup d'acteurs formidables ont l'air d'agir en infréquentables narcisses hors du champ caméra. Ce qu'on retient, c'est nécessairement leur prestation. Mais écrire son autobiographie quand tout le monde calomnie votre nom et travestit votre personnalité, cela doit être salutaire pour la personne concernée.
Dans ce que j'extirpe également de cette salve d'autobios, leur expérience prime toujours sur leur objectivité. Ils, elles ont vécu plusieurs de nos vies, mais leur réussite ne leur a pas toujours permis ces phases de remise en question où le doute sur sa propre pensée nous malmène, et où l'espoir vient d'experts ou d'amis qui nous font recoller avec notre normalité banale. Je comprends qu'un gars comme Depardieu nous lâche avec sincérité sa vision de la vie, sans prétendre d'ailleurs qu'elle vaille plus qu'une autre, mais on sent que ce déballage ne souffre pas de critique, de lecteur extérieur qui viendrait nuancer le propos pour le rendre plus universel.
Dans Innocent, au milieu du livre j'ai eu l'impression d'un changement de style. Car les deux premiers chapitres sur les sept que contient le poche témoignent la richesse de la pensée de son auteur, enrichie d'une culture qui dépasse celle du quidam et de connaissances poussées en histoire, en géopolitique, et en art. Et puis progressivement, les sujets plus polémiques pointent le bout de leur nez, et la construction narrative mute complètement, échange discours construit contre opinion lancée gratuitement, plonge de plus en plus dans la vulgarité en guise de ponctuation ( « ça me fait chier », « ça m’emmerde », « con ») et définit ses mots par des analogies fumeuses. Par exemple, ce qu'il entend par Innocence, qu'il finit par employer à tout bout de champ, le lecteur n'a pas la chance d'en trouver son explication linguistique. En fait, c'est comme si chaque chapitre était la couche d'un oignon, et que plus on avançait vers le cœur, plus l'écriture devenait un monologue de Depardieu pour son lecteur.
Depardieu voyage beaucoup, multiplie les rencontres et évite donc l'écueil habituel des autobiographies de n'évoquer que sa propre histoire. S'il dévoile un peu sa vie, il nous raconte surtout comment il vit et voit le monde actuel, et nous délivre ses opinions pour nous interpeller, pour nous partager des réflexions qu'on ne peut avoir qu'avec une vie hors-normes. Quand on a discuté avec les plus grands noms du cinéma, oui, on peut donner son avis sur ce que devrait faire le cinéma : ce n'est pas forcément juste mais c'est sourcé. Par ses goûts, son âge et ses fréquentations, Depardieu peut encore parler de l'esprit français, et réfléchir sur ce qui l'a transformé. Quant à ce qui touche au bonhomme, il faudra apprécier le dit bonhomme pour vouloir le suivre dans ses derniers chapitres (retranchements ?).
J'ai lu ce bouquin avec appétit, et j'ai fait un bon repas littéraire. Il m'a montré que dans la catégorie des autobiographies, on pouvait proposer autre chose que du pathos et du drop naming, qu'on pouvait parler de soi en parlant de tous, et passer un bon moment à lire (écouter ?) des grandes personnalités. J'ai moins apprécié le délitement progressif du récit vers des apostrophes directes, des vulgarités, de l'intime balancé à qui veut le prendre. L'ensemble apporte à la fois un éclairage sur la star et des réflexions plus générales à bosser chez soi. J'aurais surement du mal à trouver un meilleur moment avec mes achats de l'été, mais sait-on jamais ? Il faut toujours tordre le cou aux préjugés