Crapounifon reviewed La Bibliomule de Cordoue by Wilfrid Lupano
Sauver les connaissances pour qu'elles nous sauvent
5 stars
Un vizir, régent de fait, à la cour des omeyyades de Cordoue, fait brûler l'immense bibliothèque pour asseoir son pouvoir et donner des gages aux religieux et préparer la guerre. Cette bibliothèque, avec ses centaines de milliers d'ouvrages, était une des plus grande au monde. Deux esclaves copistes, un homme et une femme, puis un voleur, vont tenter au péril de leur vie de sauver quelques ouvrages. Ce sont ces esclaves qui sauvent quelques ouvrages contre les puissants parce qu'ils savent la valeur des connaissances car ce sont elles qui les ont émancipées, au moins leur esprit. Leur ténacité et leur astuce devant tous les obstacles est communicative.
Cette BD, au dessin plaisant, les couleurs belles, est une ode à la connaissance, aux livres, aux sciences. Même la mule aura une appétence particulière pour al-Khwarizmi (étymologie d'algorithme, ce mathématicien persan nomma l'algèbre, al-jabr).
Cela se termine par une suite d'autodafés dans l'histoire, souvent accompagnés de massacres (la conquista) mais aussi par la transmission des savoirs, de Grèce et d'Inde en Orient puis d'Orient en Occident. Les connaissances ont pu resurgir après bien des aléas, voire renaître, littéralement, de leurs cendres.
Jusqu'en 2007, la bibliothèque de Bagdad fût détruite par un bombardement américain... utile rappel.
Enfin la BD pose la question des futurs obstacles à la connaissance, le numérique étant un formidable moyen en soi avec la dématérialisation, peut devenir aussi un verrou avec la centralisation et les licences.
Il y a un appendice historique qui montre les contrastes entre la civilisation chrétienne occidentale et la civilisation arabe, globalement plus éclairée et raffinée. Le parchemin était très cher et les monastères ne détenait que quelques dizaines voire centaines tout au plus d'ouvrages en Occident. Tandis qu'il y avait une culture et une économie du livre en Orient avec l'arrivée du papier, venu de Chine, qui transforma ces civilisations. Des Omeyyades de Damas, à ceux de Bagdad, des Abassides aux Fatimides, cela mentionne la diffusion culturelle entre ces différents califats. Si la réalité et l'ampleur de l'incendie de Cordoue ne sont pas attestés, sa destruction partielle et sa dispersion furent néanmoins une catastrophe.