Crapounifon reviewed Le Sablier by Ekaterina Olitskaia
Se réconcilier avec une vie pareille est impossible
3 stars
C'est une autobiographie mais le temps passé dans les prisons, isolateurs et camps soviétiques en fond un témoignage sur les prisons pendant la guerre civile puis la dictature stalinienne. Le titre en témoigne, il fait référence au sablier utilisé pour déterminer la durée de promenade des des détenus.
Son livre sortira d'Union soviétique clandestinement dans les années 60.
Olitskaïa nous raconte sa jeunesse dans la campagne russe, dans une famille militante, son père étant un ancien narodniki. Narodnaïa Volia, Volonté du peuple, était une organisation populiste (dans un tout autre sens qu'aujourd'hui) terroriste anti-tsariste. C'est l'ascendance du Parti socialiste-révolutionnaire dont Olitskaïa fera ensuite partie.
Elle est précocement révoltée contre le tsarisme et cette société arriérée. Trop jeune pour participer à la révolution de 1905, elle sera partie prenante de celle de 1917.
Puis le long récit de son emprisonnement, de 1924 à 1947, cela commence avec un régime politique privilégié, …
C'est une autobiographie mais le temps passé dans les prisons, isolateurs et camps soviétiques en fond un témoignage sur les prisons pendant la guerre civile puis la dictature stalinienne. Le titre en témoigne, il fait référence au sablier utilisé pour déterminer la durée de promenade des des détenus.
Son livre sortira d'Union soviétique clandestinement dans les années 60.
Olitskaïa nous raconte sa jeunesse dans la campagne russe, dans une famille militante, son père étant un ancien narodniki. Narodnaïa Volia, Volonté du peuple, était une organisation populiste (dans un tout autre sens qu'aujourd'hui) terroriste anti-tsariste. C'est l'ascendance du Parti socialiste-révolutionnaire dont Olitskaïa fera ensuite partie.
Elle est précocement révoltée contre le tsarisme et cette société arriérée. Trop jeune pour participer à la révolution de 1905, elle sera partie prenante de celle de 1917.
Puis le long récit de son emprisonnement, de 1924 à 1947, cela commence avec un régime politique privilégié, relativement aux droits communs, et ce, dans une Russie aux abois après la grande boucherie puis la guerre civile. Puis, avec la stalinisation, les conditions des « zeks », abréviations désignant les détenus, vont s'aggraver pour culminer au moment la terreur et les purges massives en 1937.
Elle raconte l'effervescence de la révolution, l'enthousiasme déclenché car la création d'une société nouvelle était à portée de main. Puis la guerre civile, la « dékoulakisation » aussi absurde qu'ignoble.
Elle fait montre d'une grande confusion dans sa compréhension des événements. Et pour cause, cette révolution dégénérant dans un régime abject et inédit dans l'histoire en a perdu politiquement plus d'un. Elle, déjà en prison, ne verra qu'une continuité entre bolchévisme et sa négation, le stalinisme. Surtout qu'elle élude complètement des épisodes historiques qui permettraient de comprendre la situation. Ainsi, pas un mot sur les causes de la répression des menchéviks et des « SR de gauche », de la trahison initiale des premiers à la volte-face des seconds qui, après avoir fait partie du jeune gouvernement révolutionnaire tenteront de le renverser, renouant avec le terrorisme.
Elle raconte la lutte déterminée que les détenus entament pour tenter de sauver le régime politique. L'animation intellectuelle de ces militants dans les camps.
Une fois libérée, détermination encore, elle retourne en clandestinité avec son mari, confiant son enfant à sa belle-mère.
Rapidement arrêtés, une détenue lui dira, en substance :
Tu as bien fait, car maintenant toi au moins, tu sais pourquoi tu es là.
Elle voit arriver les flots d'oppositionnels, trotskystes surtout, puis des staliniens zélés qui ne comprennent pas ce qui leur arrive.
Elle verra avec ces derniers la déliquescence morale. Au point que les droits communs, auparavant, avec moins de principe et de morale, deviendront plus humains que la lie d'un parti devenu son antithèse recrutant affairistes, opportunistes et délateurs.
D'une profonde humanité, d'une rigueur morale et de principe exemplaire, malgré ce qu'elle voit, cela prend aux tripes.
Je ne conseille guère ce livre sans un minimum de repères historiques. Il y a peu de dates, il y a des références à des militants politiques, des événements, qui ne sont pas évidents à suivre. Mais surtout, ces omissions rendent le récit lacunaire et la compréhension parcellaire. Je le conseille pour voir ce que peut-être la détermination et la force morale d'une militante.
Un témoignage majeur, sans doute avec celui de Chalamov, lui aussi SR, sur la Kolyma.