Alors que la population subit privations et famines provoquées par la bureaucratie stalinienne, s'abat une répression systématique de l'appareil pléthorique de cette même bureaucratie. Par essence parasitaire, ces avortons de la révolution d'Octobre sont par conséquent d'autant plus acharnés à éliminer tout sursaut d'une nouvelle révolution. Une révolution qui les balaierait d'autant plus facilement qu'ils n'ont aucune assise économique.
Et c'est bien ainsi que le chef des bandits, Staline, percevra ces tout petits groupes de gamins qui s'élèvent contre le gouffre des mensonges à la réalité.
Dans leur grande majorité, c'est au nom du communisme, de Marx, Engels, Lénine, qu'ils vont se réunir. Ils ne remettent pas en cause les acquis de cette première révolution ouvrière victorieuse mais la dictature de la bureaucratie.
Mais s'ils sont systématiquement accusés de trotskysme, ils ne savent souvent pas ce que cela pouvait signifier car l'Opposition de gauche, réunissant des dizaines de milliers de membres, fût écrasée par la répression. Puis ce fût le tour de Trotsky lui-même.
Mais qu'on en juge par les noms de leurs proto-organisations. Parmi des noms anodins, les Quatre-Matous, il y a le Parti communiste de la jeunesse, l'Union des jeunes socialistes, la Société des jeunes révolutionnaires, le Parti démocratique panrusse/pansoviétique, La jeune garde, l'Union de lutte pour la cause de la révolution, le Parti ouvrier marxiste, le Parti ouvrier antifasciste, l'Armée de la révolution, etc. Des noms montrant une certaine naïveté mais aussi une grande ambition.
Ces écoliers, étudiants, enfants d'opposants fusillés ou déportés, enfants d'ouvriers et paysans, derrière une inconscience certaine, ne sont pas insouciants. Certains sont désespérés, mais ils montrent au contraire une certaine conscience politique, une certaine maturité.
Certains étaient komsomols. Et bien que c'est l'antinomie du marxisme qu'on y «enseignait», ils ont pu avoir accès aux livres, même expurgés. Le fameux testament de Lénine était strictement interdit mais il circulait malgré le danger.
Le livre évoque les conditions de l'URSS, les épreuves terribles qu'ont subi les Soviétiques, des famines de 1933, 1937 puis 1946 à la Seconde Guerre mondiale, en passant par les procès de Moscou.
L'auteur montre bien en quoi Staline et sa clique était la négation de la révolution. Un gamin de 11 ans, résume «Sous Lénine, nous vivions bien, sous Staline, nous vivons mal».
Ces gamins, pour nombre d'entre eux, ne sont pas écrasés par la répression féroce, montrant ainsi leur conviction. Ils en remontreront à un dirigeant du NKVD, à son tour déporté, qui les décrira avec respect. Certains seront des révoltes des camps.
Une fille répondra à son interrogateur qui l'accusait de préparer la terreur (sic) : «Non, batouchka, c'est vous qui préparez la terreur, mais c'est nous qui tirerons.»
Malgré le tragique, ils montrent un exemple. Soljenitsyne les évoquera dans L'archipel du goulag. On a envie de hurler avec ces jeunes, pour les souffrances aux Soviétiques, pour ce qu'ils ont subi, torturés, déportés, fusillés, mais aussi pour leur révolte.
Pour terminer je joins un extrait, en citation, du livre reprenant Anatoli Gigouline, co-fondateur du Parti communiste de la jeunesse et auteur du magnifique récit Les pierres noires.