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Pacôme Thiellement: La victoire des Sans Roi (french language, PUF) 4 stars

Couronnement d’une œuvre protéiforme et inclassable, explorant avec une gourmandise et une intelligence sans équivalent …

Du saint Graal aux Sans Roi

4 stars

Ce livre est un essai halluciné remontant aux origines du christianisme, ou plutôt de Jésus, le christianisme organisé en étant la négation, comme le montre l'auteur. Halluciné mais étayé par une passionnante exégèse, l'auteur débroussaille en étudiant les textes des représentants de l'Eglise sur les hérésies. Et surtout les évangiles apocryphes, et autres sources alternatives, avec notamment la formidable et fortuite découverte de la «bibliothèque» de Nag Hammadi en 1945.

Il veut montrer une filiation spirituelle et une continuité historique de ces hérétiques par une transmission allant du manichéisme en Perse (à l'opposé du sens donné, à dessein, par l'Eglise) aux Bogomiles en Bulgarie puis les Cathares. Cela est discuté chez les historiens. Thiellement n'en est pas un et avertit clairement qu'il n'est qu'un exégète.
Ce serait une continuité d'une révolution intérieure, une mystique libératrice, individuelle et sociale. Et la dernière représentante de ce courant serait... la culture pop. Et l'auteur de citer notamment Ph. K. Dick, Jimi Hendrix, John Lennon, Lost, The Leftovers et j'en passe.

Cette étude est une critique, aussi radicale que vaine, de la société actuelle. Vaine car se situant sur un terrain moral et spirituel, même si c'est fondé, l'aboutissement en étant presque new age. Alors que celui-ci est pourtant pertinemment critiqué. Ainsi d'une critique profonde, mais métaphysique, on ira des Cathares à la culture pop, une démonstration en soi de la vanité de cette critique.

C'est d'autant plus marquant qu'il y a une grande omission historique, qui pourrait paraître étonnante mais révélatrice. Ce sont les avatars de l'anabaptisme, et notamment quand ils joueront un rôle social, et donc réellement révolutionnaire, qui culminera lors de la Guerre des paysans de 1525. Rien sur les Hussites, les Taborites, les Picards hongrois, le Bundschuh et surtout Thomas Muntzer et son magitral Sermon aux princes.

Si le début est passionnant, cela devient farcesque ensuite. Le flou de la signification des textes permettant des parallèles étonnants, que je citerai ici, mais comme à l'image d'anagrammes. A y chercher un sens caché, on le trouve. Cela évoque le magistral Le pendule de Foucault d'Umberto Eco.

Cela dit, j'en recommande la lecture pour sa critique pertinente et percutante de l'église et construite sur de nombreux extraits de textes. Thiellement se montre passionnant et d'une grande érudition.

Ce livre a donné ensuite une série de passionnantes vidéos du média Blast, L'empire n'a jamais pris fin. Même si les parallèles anachroniques peuvent agacer c'est un bon aperçu du livre.