On assigne, peut-être trop de valeur à la mémoire, pas assez à la réflexion. Se souvenir est un acte éthique, qui possède une valeur éthique en soi, et par soi. La mémoire est, douloureusement, le seul rapport que nous puissions entretenir avec les morts. L'idée que le souvenir est un acte éthique est donc profondement ancré dans notre nature d'êtres humains, qui savons qui nous allons mourir et qui pleurons ceux qui, dans le cours normal des choses, meurt avant nous – nos grands-parents, nos parents, nos professeurs, nos amis, plus âgés. L'absence de cœur et l'amnésie semblent aller ensemble. Mais l'histoire émet des signaux contradictoires quant à la valeur du souvenir sur la durée plus longue de l'histoire collective. Il y a, tout bonnement, trop d'injustice dans le monde. Et l'excès de souvenirs rend amère. Faire la paix, c'est oublier. Pour que la réconciliation ait lieu, il est nécessaire que la mémoire soit défectueuse et limité.
— Devant la douleur des autres by Susan Sontag (Page 123)
