C’est là que nous en sommes ! Les êtres, les races et, dans les races, ces deux parties de l’humanité : l’homme et la femme, qui devraient marcher la main dans la main et dont l’antagonisme durera tant que la plus forte commandera ou croira commander à l’autre réduite aux ruses, à la domination occulte qui sont les armes des esclaves. Partout la lutte est engagée. Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine. En attendant, la femme est toujours, comme le disait le vieux Molière, le potage de l’homme. […] Jamais je n’ai compris qu’il y eût un sexe pour lequel on cherchât à atrophier l’intelligence comme s’il y en avait trop dans la race. Les filles, élevées dans la niaiserie, sont désarmées tout exprès pour être mieux trompées : c’est cela qu’on veut. […] Gare pour le vieux monde le jour où les femmes diront : C’est assez comme cela ! Elles ne lâchent pas, elles ; en elles s’est réfugiée la force, elles ne sont pas usées. Gare aux femmes ! […] Au Droit des femmes, comme partout où les plus avancés d’entre les hommes applaudissent aux idées d’égalité des sexes, je pus remarquer, comme je l’avais toujours vu avant et comme je le vis toujours après, que malgré eux et par la force de la coutume et des vieux préjugés les hommes auraient l’air de nous aider, mais se contenteraient toujours de l’air. Prenons donc notre place sans la mendier. Les droits politiques sont déjà morts. L’instruction à égal degré, le travail rétribué pour les états de femme, de manière à ne pas rendre la prostitution le seul état lucratif, c’est ce qu’il y avait de réel dans notre programme.
— Mémoires de Louise Michel, écrits par elle-même by Louise Michel