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Simone de Beauvoir: Le deuxième sexe I (1999) No rating

Nous concluons donc que fondamentalement le rôle des deux gamètes est identique ; ils créent ensemble un être vivant dans lequel tous deux se perdent et se dépassent. Mais dans les phénomènes secondaires et superficiels qui conditionnent la fécondation, c’est par l’élément mâle que s’opère la variation de situation nécessaire à l’éclosion neuve de la vie ; c’est par l’élément femelle que cette éclosion se fixe en un organisme stable.

Il serait hardi de déduire d’une telle constatation que la place de la femme est au foyer ; mais il y a des gens hardis. Dans son livre, Le Tempérament et le Caractère, Alfred Fouillée prétendait naguère définir la femme tout entière à partir de l’ovule, et l’homme à partir du spermatozoïde ; beaucoup de théories soit-disant profondes reposent sur ce jeu de douteuses analogies. On ne sait trop à quelle philosophie de la nature ces pseudo-pensées se réfèrent. Si l’on considère les lois de l’hérédité, hommes et femmes sont également issus d’un spermatozoïde et d’un ovule. Je suppose que flottent plutôt dans ces esprits brumeux les survivances de la vieille philosophie moyenâgeuse selon laquel le cosmos était l’exact reflet d’un microcosme ; on imagine que l’ovule est un homoncule femelle, la femme un ovule géant. Ces rêveries délaissées depuis les temps de l’alchimie font un bizarre contraste avec la précision scientifique des descriptions sur lesquelles on se fonde dans le même instant : la biologie moderne s’accomode mal du symbolisme médiéval ; mais nos gens n’y regardent pas de si près. Si l’on est un peu scrupuleux, on accordera cependant qu’il y a de l’ovule à la femme un long chemin.

Le deuxième sexe I by  (5%)

1949.