Back
Flavie Flament: La consolation (fr language, 2016) 4 stars

La consolation

4 stars

Je ne suis pas un habitué de la littérature de la grande distribution, mais cet été, j'ai décidé de lire quelques ouvrages de « stars », pour casser mes préjugés et voir ce que valait les poche qui arrivent dans les rayons des gares et des grandes surfaces. Je n'en chroniquerai pas l'exhaustivité, tout simplement parce que pour parler d'un livre, il faut déjà arriver au bout, et que dans certains cas, l'effort ne m'a pas été possible. C'est le cas par exemple de 15 rounds, de Richard Bohringer. J'imaginais plus lisible une autobio de quelqu'un qui a écrit des romans et qui fait de l'esprit à la télévision. Mais son style impressionniste, haché, faits d'images qui ne parlent sûrement qu'à celles et ceux qui les connaissent, m'a perdu dès les premières pages. Qu'importe, revenons à Flavie Flament.

La consolation n'est pas un livre ordinaire, c'est le témoignage d'une enfance brisée, une volonté de faire réfléchir sur le viol, un cri de 247 pages poche. La préface nous met déjà dans le bain en racontant comment l'auteure a trouvé d'autres victimes du photographe David Hamilton et comment elle se considère porte-parole ; la ministre des familles Laurence Rossignol l'a d'ailleurs chargé d'une mission de consensus sur le viol en 2016

Ensuite, le récit est organisé en courts chapitres, comme des tableaux, avec deux courants inverses : la gamine qui devient ado, et la femme d'aujourd'hui qui raconte la dépression qui s'installe et ce qu'elle fait pour s'en sortir. La plume, riche et maîtrisée, essaie de parler à nos émotions, par métaphores, par témoignage. Et si le récit va crescendo jusqu'à la pierre angulaire du livre, ensuite on ne cherche plus à nous récupérer, la progression devient chaotique, les extraits étranges, la fin expédiée. Globalement, le récit abonde de pathos, de mises en abime de la douleur et de l'errance, à peu près toujours bien écrites mais pas forcément immersives. De nombreux artifices d'écriture, le fait de parler d'elle comme d'un autre personnage par exemple (ie. Poupette), énervent plus qu'ils n'apportent.

Plus que le viol lui-même, les relations sexuelles non consenties, c'est surtout le divorce d'avec sa famille qui choque. La mère en particulier passe pour celle qui organise la négociation du corps de sa fille, incapable de progresser dans sa tête et de faire le deuil de ses rêves. L'auteure nous parle de sa boulimie de visites chez les spécialistes médicaux pour essayer de comprendre son problème, mais au final dans son livre elle règle ses comptes sans vraiment donner l'impression d'une progression, d'une guérison. Sa famille sera d'ailleurs dure à la sortie du livre : « C’est pour nous tota­le­ment hallu­ci­nant! Elle entre­mêle des faits réels et des passages complè­te­ment roman­cés. »

Il faut donc aborder ce livre comme un roman, avec des images évocatrices, des réflexions qui interpellent sur l'enfance et le rapport au corps, et se sortir de la tête qui est l'auteure et ce qu'elle cherche à nous dire d'elle, car selon moi, elle est loin d'être au bout du chemin, dans la paix avec ses parents et libre d'avancer seule dans la vie. Toutefois, le texte est travaillé, souvent ciselé, pensé au mot près, il y a même un changement de police suivant la « personnalité » qui parle. Le boulot est donc bien fait, le bagage qu'il véhicule pèse en revanche suffisamment lourd pour que tout un chacun n'ait pas envie de le porter.