Historien copernicien
4 stars
Cet ouvrage date de 1962, avec une postface de 1969. Il reste un jalon dans l'histoire de l'histoire des sciences et de l'épistémologie.
Il est intéressant de mesurer les immenses progrès faits depuis la parution de ce livre. La tectonique de Wegener est désormais établie. Et Thomas Kuhn ne cite que la précession du périhélie de Mercure comme confirmation de la théorie de la relativité générale. Même la déviation des rayons lumineux était attribuée à autre chose que la déformation de l'espace-temps. Depuis, nous savons que c'est la cause des lentilles gravitationnelles, nous avons détecté les ondes gravitationnelles qu'Einstein avait prédit cent ans avant et qu'il pensait indétectables. Enfin, le GPS constate les effets relativistes sur ses satellites.
Mais ce livre traite de l'histoire des sciences et non des connaissances scientifiques à un moment donné.
Kuhn tire les conséquences du constat que l'apprentissage de la science est différent de son …
Cet ouvrage date de 1962, avec une postface de 1969. Il reste un jalon dans l'histoire de l'histoire des sciences et de l'épistémologie.
Il est intéressant de mesurer les immenses progrès faits depuis la parution de ce livre. La tectonique de Wegener est désormais établie. Et Thomas Kuhn ne cite que la précession du périhélie de Mercure comme confirmation de la théorie de la relativité générale. Même la déviation des rayons lumineux était attribuée à autre chose que la déformation de l'espace-temps. Depuis, nous savons que c'est la cause des lentilles gravitationnelles, nous avons détecté les ondes gravitationnelles qu'Einstein avait prédit cent ans avant et qu'il pensait indétectables. Enfin, le GPS constate les effets relativistes sur ses satellites.
Mais ce livre traite de l'histoire des sciences et non des connaissances scientifiques à un moment donné.
Kuhn tire les conséquences du constat que l'apprentissage de la science est différent de son histoire. L'apprentissage se fait par une accumulation linéaire des connaissances, dont l'histoire ne peut n'en être que secondaire. Secondaire car l'histoire des sciences se déroule tout autrement. Ainsi, de l'autre, cette histoire est donc faite de changements de paradigmes, de révolutions. Ces paradigmes sont des cadres de pensée, une manière d'envisager le monde, les expériences et leurs résultats.
Ces révolutions ponctuent des périodes de « science normale » consacrées à l'exploration et l'affinage d'une théorie. Et l'auteur montre en quoi les révolutions, au même titre que son pendant « normal », sont intrinsèques à l'avancée scientifique.
A l'instar des révolutions politiques, il soutient que ces révolutions ne peuvent avoir lieu que lorsqu'un paradigme peut remplacer le précédent. C'est à l'inverse de Popper, pour qui la réfutation d'un paradigme permet la révolution, de manière presque mécanique.
De même, l'accumulation de connaissances s'accompagne de destruction par le nouveau paradigme.
Kuhn cite de nombreux exemples de bouleversements scientifiques pour appuyer sa démonstration et cela nous aide grandement pour l'appréhender. Ou cela nous fait découvrir cette passionnante histoire des sciences.
Il explique aussi pourquoi la seule objectivité ne peut complètement expliquer comment un paradigme en remplace un autre. Et d'aucuns ont pu ainsi le taxer de relativisme. Il s'en défendra, notamment dans la postface, qui répond de manière pertinente.
Bref, toujours à lire.